Genre, famille, transmission

Cet atelier Genre, famille, transmission, dirigé par Sylvie Chaperon et Sylvie Mouysset, et qui s’inscrit dans la thématique Acteurs, sociétés, économies de Framespa, est à la fois le fruit de recherches menées lors du précédent quadriennal sur le lien fraternel (voir bilan atelier 2 / équipe 5 « lien familial ») et de propositions neuves émanant d’un groupe de chercheurs recomposé et enrichi. Celui-ci explore un champ chronologique désormais très large, du haut Moyen Âge à l’époque contemporaine, avec des préoccupations interdisciplinaires motivantes, où histoire de l’art, littérature et anthropologie participent activement au renouvellement de notre questionnement scientifique.
Notre objectif se décline en trois segments liés : il s’agit, bien sûr, d’approfondir notre connaissance de la fraternité en étendant notamment notre espace de recherche à l’ensemble de l’Europe. Nous souhaitons, par ailleurs, ouvrir différentes pistes à partir de nos premiers résultats sur « le lien social », en profitant de la présence dans notre groupe de spécialistes d’histoire des femmes et du genre. La question du genre sera donc centrale, comme le sera aussi celle de la transmission de biens matériels et immatériels au sein de la famille et plus largement de tout groupe partageant une mémoire commune.
Dans un environnement historiographique favorable à la réflexion sur les sources, l’un de nos efforts conjugués consistera précisément en la mise à disposition d’outils conceptuels et méthodologiques d’appréhension des fonds d’archives disponibles, celles-ci étant envisagées sous toutes leurs formes, écrites, iconographiques et orales.

Chantier 1 : « Les liens fraternels »
(Christine Dousset - Sylvie Mouysset) »
Le programme collectif de recherche sur « les liens fraternels » s’inscrit dans la poursuite de la thématique engagée lors du précédent quadriennal [voir bilan, équipe 5, atelier 2].
À bien des titres, ce chantier paraît encore largement ouvert et il a paru pertinent de le poursuivre pour plusieurs raisons. Le cycle de journées d’étude débuté en 2008 n’est pas terminé et les conclusions globales ne pourront en être tirées qu’à partir de 2010. De plus, l’arrivée de nouveaux membres au sein de l’atelier vient renforcer le potentiel des chercheurs intéressés par ces questions. Enfin, cette thématique suscite chez les historiens en France et à l’étranger une attention croissante, comme en témoignent les publications et colloques récents ou en préparation. D’autres travaux en histoire de la famille, qui ne portent pas stricto sensu sur les relations fraternelles, révèlent un certain intérêt pour des thématiques proches, comme les relations avunculaires. Les transformations actuelles de la famille, enfin, suscitent des recherches sociologiques sur les nouveaux liens fraternels.
Cet engouement s’inscrit dans un contexte international dynamique. Les perspectives abordées montrent la variété des approches possibles pour les historiens des liens fraternels : conflits, affections, coopération, relations de genre, insertion dans des réseaux économiques et sociaux constituent autant de clés d’entrée possibles. L’objectif de l’atelier est donc d’élargir le spectre de ses recherches. Dans cette perspective, un colloque international est en préparation en collaboration avec l’Université de Rennes : sphère européenne, interdisciplinarité et longue durée seront de rigueur.

Pistes de recherche envisagées :

    Les relations de genre au sein des fratries. Les relations entre frères, et notamment entre aînés et cadets, sont actuellement les mieux connues. En revanche, les liens entre frères et sœurs, et plus encore entre sœurs, restent largement dans l’ombre. Cependant, des publications récentes montrent qu’il y a là un terrain fertile. Cette problématique recoupe un autre des axes de recherche de l’atelier, ce qui permet d’envisager des recherches croisées.
    Les liens avunculaires. La fréquence de leurs mentions dans les sources montre que cette relation joue un rôle social déterminant : la transmission du pouvoir clérical, l’éducation, la protection des mineurs, les actions solidaires d’ordre militaire, politique, ou économique, ou inversement les conflits entre héritiers. Ces questions méritent d’être approfondies dans le cadre d’une réflexion élargie sur les liens de fraternité.
    La répartition des rôles au sein des fratries et son impact sur les liens fraternels. Ce thème permet d’interroger les relations aîné/cadets, dont la journée de mai 2008 a montré le poids dans les sociétés méridionales, dans une perspective plus large. Il nécessite de prendre en compte taille et composition des fratries, en incluant la variable du genre. Il doit être replacé dans le cadre dynamique des stratégies familiales, concernant les phénomènes de transmission, de survie et de mobilité, sociale et géographique. Les collaborations économiques, envisagées en avril 2010 au congrès de Gand, sont un domaine riche à explorer. L’atelier 1 sera sollicité pour participer à cette réflexion.
    Les conflits fraternels. Le sujet paraît mieux connu et moins novateur. Cependant, ces conflits multiformes ont été assez peu étudiés pour eux-mêmes. L’hypothèse d’une modélisation différenciée selon le type de système familial est à vérifier. Enjeux, modalités et résolution des conflits constituent autant de révélateurs pertinents de la nature des liens fraternels, non réductibles à l’affrontement entre deux individus, mais associant largement fratries et générations. Les gisements documentaires invitent à l’étude. L’atelier 2 qui aborde ces thèmes sera sollicité.
    Les représentations et les discours sur la fraternité. Ceux-ci portent sur les fratries biologiques ou sur le modèle idéal de la relation fraternelle ; ils nécessitent des collaborations avec d’autres disciplines de sciences humaines. Aborder ce thème dans la longue durée et selon une approche résolument comparatiste paraît particulièrement stimulant.

Chantier 2 : « Les Archives du Genre »
(S. Cassagnes-Brouquet et S. Chaperon)
Ce projet ambitionne de former à l’échelle de la France un pôle de référence sur les questions croisées du genre et des archives. Mené par le groupe Olympe de Gouges, constitué en 2009 [voir bilan], ce programme couvre le Moyen Âge, les époques moderne et contemporaine, mais aussi l’Antiquité grâce aux liens noués avec nos collègues (et chercheuses associées) de PLH ERASME et de Traces. Toute recherche repose sur des fonds d’archives, sur une méthodologie d’exploitation de celles-ci et sur les questions que le présent pose au passé. Nous ne nous limiterons donc pas aux seuls problèmes méthodologiques, puisqu’il n’y a pas de lecture des sources qui ne soit déjà informée par des perspectives, des problématiques et des réflexions conceptuelles.
Les sources, écrites ou iconographiques, produites par les femmes au cours de leurs multiples activités, ont connu l’oubli, l’abandon, la dévalorisation ou la destruction et il convient de s’interroger sur les mécanismes multiples de cette non (ou faible) transmission. Grâce à cette expertise, nous espérons pouvoir éclairer les politiques publiques du traitement des archives, ainsi que les pratiques des institutions privées soucieuses de conserver leur patrimoine.
L’intégration précoce des étudiants est un objectif important de notre programme. Le groupe de recherche Olympe de Gouges veut irriguer l’offre de formation des étudiants en mettant en place un parcours pédagogique cohérent et progressif, de la licence au master d’histoire.
Le groupe Olympe de Gouges participe à la structuration du champ de recherche : nous sommes partie prenante de l’axe genre de la MSH (Arpège : approches pluridisciplinaires du genre) qui regroupe près de 15 partenaires. Nous sommes également engagées dans le RING (Réseau interuniversitaire et interdisciplinaire sur le genre) qui vient d’être agréé comme Fédération de Recherche.

Pistes de recherche envisagées
Nos journées d’étude, dans la mesure du possible, obéiront à des principes communs : dialogue interdisciplinaire, échange entre des chercheurs reconnus et débutants, invitations de responsables archivistes pour lancer ou approfondir les recherches locales.

    Archives du for privé
    Depuis 2003, le domaine des archives du for privé est exploré avec le GdR 2649 « Les écrits du for privé en France du Moyen Âge à 1914 » (voir bilan) et depuis 2008 au sein de l’ANR « corpus » sur le même thème. Nous souhaitons poursuivre et étendre notre champ d’action en direction de l’Espagne. Deux manifestations sont prévues à Toulouse d’ici 2011, journées préparatoires à la constitution d’une base de données numérique commune. Par ailleurs, une autre journée d’étude réunira en 2012 historiens, linguistes et archivistes (Framespa, PLH, École des Chartes) sur le thème de l’édition des écrits du for privé.
    Archives judicaires
    L’histoire de la justice et de la criminalité a connu un fort développement ces dernières années en France, mais aussi en Belgique et en Suisse. Nous souhaitons poursuivre cette réflexion notamment sur les archives de la justice civile, très riches mais encore méconnues, ou encore celles de la protection de l’enfance et de la jeunesse. Ce travail sera mené en collaboration avec la revue Clio qui prépare un numéro consacré à la délinquance féminine.
    Sources hagiographiques
    Il s’agit de lancer la réflexion sur la spécificité des Vies de saintes du haut Moyen Âge occidental (VIe-Xe siècle) en tant que sources pour l’histoire du genre : peut-on les considérer comme des récits au féminin ou du féminin ? Doit-on y entendre des « voix de femmes », ou bien plutôt des discours masculins sur les femmes ? Ces questions permettront d’interroger les Vies de saintes sous un angle d’approche neuf.
    Archives orales
    À la suite de l’histoire des paysans ou des ouvriers, l’histoire des femmes s’est très tôt emparée de l’histoire orale qui permettait à la fois de contourner le silence des archives officielles et d’atteindre la subjectivité des femmes. Il est temps de revenir à ces sources produites par l’interaction du chercheur et du témoin. Nous travaillerons en commun avec nos collègues sociologues et anthropologues familiers des techniques de l’entretien.
    Archives de l’image
    Un travail immense reste à accomplir dans le recensement et la connaissance des fonds d’images consacrées aux représentations du genre de l’Antiquité à nos jours. La mise en ligne des collections des bibliothèques et des musées rend aujourd’hui accessible à tous un nombre incalculable d’images, souvent peu ou mal utilisées par les chercheurs, une réflexion sur ce sujet semble plus que jamais d’actualité.
    Archives médicales
    Si les ouvrages savants, les dictionnaires médicaux et les thèses fournissent des sources aisément identifiables et bien connues des historien-nes, des archives produites par des institutions et non publiées restent beaucoup plus méconnues : archives des hôpitaux, des hospices, des sanatoriums, des asiles d’aliénées, des infirmeries pénitentiaires, des expertises médicales sur demande judiciaire, les fonds privés des médecins, etc.

A l’issue de chaque journée d’étude, sera mise en ligne une sélection de communications et d’outils évolutifs pensés surtout pour les jeunes chercheurs : bibliographies, inventaires de sources, mémos méthodologiques. À la fin de ce programme, nous souhaitons publier un guide de recherche sur le genre qui réunira le savoir acquis sur tous ces types de source.

Site : FRAMESPA : http://framespa.univ-tlse2.fr/